L’interview de Damien Hoarau – Perspectives IA et données de santé

damien

Table des matières

“Exploiter les données de ville ce n’est pas seulement répliquer ce qui est fait à l’hôpital, c’est aller vers le potentiel inexploité, avancer vers les cas d’usages et sujets de recherche qui n’ont pas encore pu voir le jour car ils nécessitent d’être pensés et réalisés en ville, sur la base des données de vie réelle.” – Dr Damien Hoarau. 

 

Tu évoques souvent le potentiel encore inexploité des données de santé en ville. En quoi le fait de penser la recherche clinique hors des murs de l’hôpital permet d’ouvrir de nouveaux champs d’exploration scientifique ? 

Penser la recherche clinique en médecine de ville, c’est penser une recherche tournée vers ses pratiques et ses patients. Comme ces dernières sont différentes entre l’hôpital et la ville, alors fondamentalement, ce qui est exploré sera différent. 

Une corollaire à cela concerne les données issues de la médecine de ville. Ces données cliniques ont historiquement pas ou peu été exploitées pour améliorer notre compréhension des maladies. Pouvoir les mobiliser dans le cadre de la recherche, c’est apporter un nouveau regard, avec un nouvel angle sur les maladies que l’on observe déjà avec le prisme hospitalier. Mais c’est également porter un regard sur les maladies qui sont traitées uniquement au cabinet, loin des CHU. 

 

La recherche hospitalière est souvent perçue comme la norme, comme le gold-standard de la recherche. Quels sont, selon toi, les biais que cette centralité hospitalière introduit dans la pratique de la recherche ? comment les dépasser ? 

Dans les hôpitaux, c’est là où la recherche est la mieux structurée. On peut y retrouver des services dédiés à la promotion de recherches cliniques, des équipes qui viennent en support des cliniciens dans les études, une expertise scientifique forte ainsi que des plateaux techniques de pointe. Ce cadre facilitateur s’est construit au fil des années, à tel point que penser la recherche ailleurs qu’à l’hôpital semble baroque/excentrique/exotique. Pourtant, il y a des questions de recherche pour lesquelles les réponses n’existent pas à l’hôpital. 

Ces questions nécessitent de développer la recherche clinique en ville. Il s’agit de la rendre familière, réaliste, structurée. Cela passe par des outils, par de la coordination, par le concours de pleins de bonne volonté. Le challenge est grand, mais je dirais qu’aujourd’hui, les plus grands freins ne sont ni technologiques (des solutions se développent pour cela), ni scientifiques, mais plutôt culturel, que ce soit du côté des soignants (la recherche clinique peut faire partie intégrante de ma pratique médicale), que du côté des institutionnels (créer un cadre facilitateur et lisible pour la pratique de la recherche en ville), que du côté des promoteurs d’étude (sortir du prisme tout hospitalier pour trouver de nouvelles réponses). 

 

Quelles sont les principales craintes que suscitent encore l’IA et l’exploitation des données de santé chez les médecins ?  

L’IA et l’exploitation des données de santé, sont deux choses, prises séparément, qui créent déjà beaucoup de craintes. Le fait que l’exploitation de grandes quantités de données soit faite par l’IA peut encore plus les renforcer ! 

Pour l’exploitation des données de santé, je pense qu’il y a une crainte forte que cela puisse avoir, d’une manière ou d’une autre, une répercussion négative pour les patients, et indirectement, impacter la relation médecin-patient, voir même conduire à des poursuites judiciaires.  

Concernant l’IA, je pense que c’est la fulgurance de son apparition dans nos vies et la rapidité de ses progrès qui inquiètent le plus. Il y a tellement d’incertitudes sur jusqu’où elle pourrait aller, ce qu’elle sera capable de faire, que cela nourrit naturellement beaucoup de craintes, de fantasmes, de doutes. Je pense que c’est peut-être la première fois que l’on a le sentiment d’avoir un outil capable de nous dépasser. Et comme en plus son fonctionnement reste opaque pour la plupart d’entre nous, cela renforce encore le malaise. 

Comment peut-on les dépasser collectivement pour passer de l’angoisse au sens ? 

Même si ces technologies suscitent des inquiétudes, il est essentiel de ne pas perdre de vue tout ce qu’elles peuvent nous apporter. En médecine, nous avons l’habitude de raisonner en termes de balance bénéfices/risques : dans certains contextes, le risque l’emporte, dans d’autres, le bénéfice. L’enjeu collectif est donc de créer les conditions dans lesquelles cette balance penche clairement du côté des bénéfices, pour les patients comme pour les professionnels. 

Chez stane, c’est précisément notre approche. Nous mettons en place un cadre technique et organisationnel rigoureux, respectant scrupuleusement les règles en vigueur en France et en Europe. Ce cadre permet d’exploiter la puissance des données et de l’IA en toute sécurité et en toute transparence, pour faire émerger des réponses nouvelles aux défis de santé publique, sans compromettre la confiance ni la rigueur scientifique. 

Découvrez plus d'articles