Interview de Catherine Cerisey (1/2) – De l’expérience à l’expertise : le parcours d’une patiente engagée

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Catherine Cerisey est l’une des figures incontournables du mouvement des patients partenaires. Patiente experte, formatrice, conférencière et militante de la démocratie en santé, elle s’engage depuis plus de 25 ans pour que les patients soient pleinement associés aux décisions qui les concernent. 

Chez stane, nous partageons cette conviction forte : les patients doivent être inclus dans la gouvernance des projets de recherche clinique et dans les usages secondaires des données de santé. Catherine nous accompagne dans cette transformation, pour que la recherche ne se fasse plus sur les patients, mais avec eux. 

Dans cette interview en deux parties, elle revient sur son parcours et livre un regard éclairant sur l’évolution du rôle des patients dans le système de santé. 

 

Pouvez-vous me dire quelques mots sur votre parcours de patiente experte et vos engagements ? 

J’ai eu un cancer du sein il y a 25 ans, avec une rechute deux ans plus tard. Je suis en rémission complète depuis 2008. 

Cette année-là, un peu geek, j’ai lancé un blog sur le cancer du sein. Je voulais montrer qu’on pouvait vivre au-delà des statistiques et partager de l’information, car je suis convaincue qu’un patient bien informé est un patient mieux soigné. Je l’ai ouvert à mon nom, ce qui était mon premier acte militant un peu inconscient ! En 2017, le blog avait dépassé les 3 millions de vues. 

Parallèlement j’ai rejoint les réseaux sociaux, croisé des patients atteints de maladies chroniques, des médecins, des agences, des startups. À l’époque, on commençait à parler du “patient au centre” – une expression que je n’aime pas : les patients doivent être dans le cercle des décisions, pas au centre. 

Lors d’une conférence, un membre de la HAS m’a proposé de devenir experte, mais il n’y avait pas encore de « case » pour les blogueurs. J’ai donc rejoint le milieu associatif : j’ai été vice-présidente de Cancer Contribution (qui œuvre dans le champ de la démocratie en santé), administratrice de Europa Donna et de l’association Étincelle. J’ai aussi intégré la HAS et différentes institutions comme experte. Et j’ai compris qu’on faisait encore trop de choses pour les patients… sans eux. 

J’ai donc cofondé l’agence Patients & Web pour accompagner les acteurs de santé dans la co-construction d’outils vraiment pensés pour les patients : livrets, podcasts, sites web… 

En 2016, je suis devenue enseignante de la perspective patient à la fac de médecine Paris Sorbonne Nord, où j’ai transmis la perspective patient pendant 10 ans aux internes en médecine générale. Et en 2021, j’ai été contactée pour co-fonder le projet Entends Moi. 

 

Quelle est, selon vous, la différence entre expérience et expertise patient ? 

Tout le monde a une expérience : patients, médecins, vous, moi. On s’en sert au quotidien. Certaines structures permettent de la recueillir pour améliorer la qualité des soins, en identifiant ce qui fonctionne ou non. 

L’expertise patient, c’est autre chose. Tous les patients ne souhaitent pas être reconnus comme “experts”. Cette reconnaissance émerge chez les personnes atteintes de maladies chroniques, avec lesquelles il faut apprendre à vivre. Les patients connaissent très bien leur pathologie. 

Un patient peut être expert pour lui-même et un réel partenaire de soin. D’autres vont plus loin, en portant une expertise collective. 

Les années sida, ont montré que l’expertise des patients pouvait être précieuse quand les médecins eux-mêmes manquaient de repères. Puis, la lutte s’est élargie aux autres pathologies comme le cancer, avec les Etats Généraux qui ont abouti aux plans cancers. Plus récemment on pourrait donner l’exemple de l’endométriose.  

Donner de la place à l’expérience de tous les patients, c’est passer d’une démocratie représentative (via les associations) à une démocratie participative. Et les deux approches sont essentielles et complémentaires. 

Quant à l’expertise des patients la reconnaitre, tant à titre individuel dans leur parcours de soin, qu’à titre collectif dans l’élaboration des décisions qui les concernent, ne devraient plus être un sujet en 2025. 

 

Comment devient-on patient expert ou patient-partenaire ?  

Le patient devient d’abord expert de sa propre pathologie, puis peut-être, avec le temps, pour les autres. Ce n’est pas un statut qu’on s’attribue soi-même, c’est une reconnaissance accordée par les pairs. 

Aujourd’hui, certains patients dits “partenaires” souhaitent se former. Mais j’ai une vision un peu critique de cette tendance : on risque de créer une élite de “super patients experts”, souvent CSP+, capables d’accéder à l’université, en laissant de côté d’autres patients tout aussi précieux, mais sans les mêmes moyens ou envies. 

Professionnaliser les patients partait d’une bonne intention – en France, le diplôme a une valeur forte – mais dix ans plus tard, ils sont peu nombreux. Et parfois, ce diplôme devient une barrière, alors que l’essentiel reste l’acquisition de connaissances. Je suis davantage favorable à une VAE ou un système plus souple, qui laisse le choix. 

L’important n’est pas le diplôme mais les compétences qu’on acquiert. Il faut partir des envies des patients : veulent-ils être pair-aidants ? enseignants ? chercheurs ? L’idéal serait un socle commun sur les droits des patients et la démocratie en santé, puis une spécialisation selon les projets les compétences et les appétences de chacun. 

  

Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre le board d’experts de stane, et que représente pour vous la recherche clinique en médecine de ville ? 

stane est venu me solliciter, et j’ai tout de suite été séduit par l’idée que des patients soient représentés au sein d’une entreprise comme la vôtre qui porte un projet visionnaire de la médecine au sens large – pas seulement hospitalière, mais aussi de proximité.  

Dans un système où l’hôpital est exsangue, je trouve essentiel de mettre en lumière la médecine de ville. Et il aurait été regrettable que la perspective des patients ne soit pas prise en compte dans la démarche de stane. Lorsque je m’investis c’est que je crois sincèrement en cette entreprise et en sa solution !

 

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👉 Dans la seconde partie de cet interview, Catherine Cerisey nous partage sa vision de la recherche clinique en médecine de ville, du rôle des patients dans l’élaboration des protocoles, de l’usage des données de santé, et des défis encore à relever pour faire de l’engagement patient une réalité durable.

Lire la suite  => Interview de Catherine Cerisey (2/2) – Patients partenaires : co-construire la recherche et protéger les données de santé

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