Comment stane place la donnée de santé au coeur du soin et de la recherche clinique – Interview avec le Dr Antoine Neuraz, Chief Data Officer

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Chez stane, la donnée de santé n’est pas un produit : c’est un levier pour construire une recherche clinique plus utile, plus juste, plus ancrée dans le soin réel. Le Dr. Antoine Neuraz, Chief Data Officer de stane et docteur en santé publique, est expert en IA et NLP médical. Ancien chercheur à l’INSERM et l’Inria et fort de son expérience de senior data scientist à l’hôpital Necker, il pilote aujourd’hui notre EDS certifié HDS et autorisé CNIL pour valoriser éthiquement les données de ville et accélérer l’innovation clinique. Rencontre. 

 

Pourquoi avoir fait le choix d’un entrepôt de données de santé souverain ?

Dr Antoine Neuraz :

Un EDS souverain, cela signifie que les données sont hébergées en France, chez des acteurs français ou européens, qui ne sont pas soumis aux lois extraterritoriales comme le Cloud Act américain. Ce n’est pas un détail : ça veut dire que personne ne peut y accéder sans respecter le cadre réglementaire français.

Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs s’appuient sur les grands clouds américains, la CNIL ne l’interdit pas. Mais chez stane, on pense que la souveraineté est une condition de confiance à long terme. C’est un choix stratégique fort, éthique et assumé.

 

Et sur le plan de l’éthique, quelles garanties apportez-vous ?

A.N. :

Nous avons mis en place une gouvernance très stricte. Les données sont pseudonymisées, leur accès est limité aux seules données utiles et notre EDS est soumis à un comité éthique qui valide la sélection des études. Chaque patient est informé de manière individuelle, avec une possibilité d’opposition à tout moment. Et si un patient s’oppose, on supprime toutes ses données. C’est un engagement qui reflète notre position : la confiance ne se décrète pas, elle se construit par la rigueur.

 

Quelle est la vision long terme pour l’EDS chez stane ?

A.N. :

Notre ambition repose sur trois piliers : quantité, qualité et diversité.

  • Quantité, parce que plus nous collaborons avec des médecins partenaires, plus notre base devient riche et représentative.
  • Qualité, car les données doivent être standardisées, enrichies et analysables pour produire de vrais résultats.
  • Et diversité, parce que la santé ne s’arrête pas aux constantes vitales et que nous devons élargir la surface de récolte des données : les déterminants sociaux, environnementaux ou comportementaux doivent être intégrés.

Notre objectif, c’est de faire émerger une recherche clinique qui reflète vraiment la vie réelle, avec ses nuances, ses contextes, et sa complexité.

 

Quel rôle pour l’intelligence artificielle dans cette approche ?

A.N. :

L’IA, pour nous, c’est une extension logique de notre travail sur les données. On pourra s’appuyer sur notre entrepôt pour développer des algorithmes d’aide à la décision médicale, mais on ambitionne d’aller encore plus loin : de les tester et de les évaluer cliniquement, en situation réelle, dans notre réseau.

Car un algorithme peut être très performant techniquement mais totalement hors sujet cliniquement. Il est important de mesurer l’impact d’une prédiction sur la prise en charge du patient. Par exemple prédire un risque d’insuffisance cardiaque à 10 ans chez un patient venu pour une fracture, n’aura probablement que peu d’effet. Ce qu’on vise, ce sont des outils utiles ici et maintenant, au service des soins. Et pour ça, il faut les confronter à la pratique réelle.

 

Qu’est-ce qui différencie stane dans cet écosystème en effervescence ?

A.N. :

Notre grande force, c’est notre chaîne de valeur intégrée. On a d’un côté un entrepôt structuré, sécurisé, souverain. Et de l’autre, un réseau de professionnels de santé qui nous permet de collecter des données cliniques contextualisées. Ce n’est pas juste de la donnée : c’est de la donnée enrichie par la pratique.

On peut entraîner nos algorithmes sur des données solides, mais surtout, on peut les évaluer dans la vraie vie, chez les praticiens partenaires. Cette boucle entre production, validation et usage de l’IA en vie réelle, très peu d’acteurs peuvent l’offrir aujourd’hui.

 

Quel est le rôle de l’outil staneAssistant, qui sort prochainment, dans cette dynamique ?

A.N. :

staneAssistant est une fenêtre du médecin sur notre entrepôt de données de santé (EDS), avec un usage centré sur la recherche clinique. C’est notre première brique d’assistance numérique pour la recherche clinique.

Il permet aux médecins d’identifier des patients éligibles, d’accéder à des questionnaires, de transmettre les dossiers aux centres de recherche. Demain, il servira aussi au suivi des patients inclus, avec des données pré-remplies depuis les dossiers médicaux.

Ce n’est pas, dans sa version actuelle, un assistant vocal ou conversationnel : c’est un outil très concret qui s’appuie sur l’existant et qui fluidifie l’accès à la recherche. Il manquait cette brique intermédiaire, entre les données et les usages : c’est ce que vient combler staneAssistant.

 

Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés aujourd’hui ?

A.N. :

D’abord, il y a des défis techniques, notamment sur la standardisation des données. Chaque flux de données a ses spécificités : elles n’ont pas toujours les mêmes formats, ni les mêmes caractéristiques. Donc, les techniques de traitement qu’on applique ne sont pas forcément généralisables. Ensuite, les freins organisationnels : pour boucler la boucle entre données, algorithmes et pratique, il faut pouvoir s’intégrer dans les logiciels métiers. Or, aujourd’hui, la plupart des LGC n’offrent pas de moyen facile d’accès. Il n’existe pas d’obligation réelle d’interopérabilité. C’est un non-sens. Et enfin, il y a des zones grises juridiques : encore beaucoup de questions se posent. Et pourtant, on avance

 

Que dites-vous aux médecins qui hésitent encore à rejoindre le mouvement de la recherche et de l’innovation en médecine de ville ?

A.N. :

Je leur dis de ne pas avoir peur. On est très lucides. Oui, il y a des risques. Oui, il y aura des dérives dans l’usage de l’IA et ses applications si on ne met pas de garde-fous. Et c’est pour ça qu’on avance avec une exigence maximale.

Chaque outil et chaque algorithme issu de notre entrepôt devra passer deux filtres : est-ce qu’il fonctionne ? Et est-ce qu’il améliore réellement les soins ? Si ce n’est pas le cas, il n’a pas sa place en pratique. On ne vend pas du rêve, on construit des outils fiables.

Et on le fait en ville, là où se joue l’essentiel de la santé des Français.

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